Adolescent au moment de la Libération, Maurice Gérardin et les siens ont usé de malice pour éviter la mort. Témoignage.
80 ans après, les souvenirs sont toujours ancrés dans la mémoire. Désormais âgé de 95 ans, Maurice Gérardin fait partie des centaines de Déodatiens qui ont vécu l’épisode de la Libération en 1944. À cette époque, celui qui résidait au-dessus d’un atelier de reliure sur la rive droite avec ses parents, sa sœur et son beau-frère, était un élève de 15 ans scolarisé en quatrième au collège de Saint-Dié. « On a dû arrêter les cours vers mai/juin à cause des bombardements », se remémore-t-il. « Ça avait même commencé avant. On avait une tranchée près de l’établissement pour nous réfugier et parfois on nous emmenait sur le plateau de Saint-Roch pour éviter les gros bombardements ».
Le plus gros des affrontements, justement, est arrivé à partir du mois de novembre. Et ce, dès le premier jour. « Avec ma famille, nous étions en train de manger quand un obus est tombé sur l’atelier du bas », détaille Maurice Gérardin avec une tonalité parfois rieuse permettant de contrecarrer les terribles scènes dont la multiplication était croissante.
Le 9 novembre, les hauts-parleurs annoncent l’évacuation vers la rive gauche. « C’était l’affolement, tout le monde sortait avec ce qu’il pouvait emmener. Nous, on a été hébergés chez des amis habitant en face de la gare », résume le Déodatien qui n’a pas hésité à sortir avec d’autres au niveau des barbelés situés sur la place Saint-Martin pour constater les dégâts. « On avait une peur terrible car il y avait énormément de gars tués ».
C’est dans la nuit du 17 au 18 novembre marquée par « d’énormes déflagrations » que sauteront les ponts de la ville. Dès le lendemain, ils seront plusieurs à profiter de planches posées sur la Meurthe près de l’actuelle caserne de pompiers pour faire les provisions. « J’y ai croisé des SS cachés derrière un arbre. Parlant un peu allemand, j’ai dit avoir seulement 14 ans pour qu’ils me laissent tranquille. Ça a fonctionné puisque l’un d’eux m’a même aidé à charger les patates ! » Quelques jours plus tard, le 22 novembre, l’arrivée des Américains et des Britanniques viendra mettre fin à ce mois chargé en émotions.